PIERRE FALCOT – DESSINATEUR EN TISSU (1 sur 3)
par Alain Becchia et Jacques Le Roux
Le texte ci-après est extrait d’un article paru en mai 2020 dans le bulletin de la Société de l’Histoire d’Elbeuf avec l’aimable autorisation de ses auteurs :
- Alain Becchia est Président et auteur de nombreux articles pour cette société (pour voir plus d’infos sur celle-ci cliquez-ici). Il est également co-auteur d’un ouvrage « Elbeuf - Louviers, Histoire croisée de deux cités drapières ».
- Jacques Le Roux est un passionné de l’histoire de notre village. Il est l’auteur d’articles sur le site de la commune et possède une remarquable collection de cartes postales anciennes sur celle-ci.
Cet article évoque la vie de Pierre Falcot (1804-1858), un Lyonnais Saulcéen d'adoption, qui s'est illustré comme dessinateur en tissu dans l'industrie textile.
L’enquête généalogique
Dans un ouvrage ancien affirmant un peu vite : « Aucun homme ayant obtenu une célébrité quelconque n’est né à La Saussaye, et la collégiale elle-même n’a eu, à nulle époque, aucun chanoine possédant quelque supériorité sur le commun des mortels » [oubliant ainsi la présence du très important théologien Pierre Morestel, auquel Jean-Claude Delcroix a rendu récemment un juste hommage (1)], les auteurs consacrent un court paragraphe à « P. Falcot, dessinateur en tissus, ancien professeur de tissage, né à Lyon le 22 octobre 1804 [30 vendémiaire de l’an XIII], [qui] mourut à La Saussaye, le 10 août 1858. Il a laissé un Traité encyclopédique et méthodique de la fabrication des tissus, qui a eu deux éditions. Cet ouvrage fut le premier écrit sur cette matière, et tous ceux qui lui ont succédé lui sont inférieurs.
Falcot professa le tissage des draperies nouveautés pendant de longues années à Elbeuf, et ses élèves devinrent pour la plupart d’habiles manufacturiers ou d’excellents dessinateurs » (2).
Portrait de Pierre Falcot : visage intelligent, à la fois décidé et réfléchi, mise soignée ;
indiscutablement, il se présente plutôt comme un artiste ou un intellectuel.
Signature de Pierre Falcot
Pierre Falcot, fils de Jean Falcot (fabricant d’étoffe de soie, né en 1769 à Alby-sur-Chéran, mais domicilié à « Vénissieux près Lyon ») et d’Éléonore Robert (également fabricante d’étoffe sur soie), se marie à La Saussaye (3), le 19 octobre 1840, à l’âge de 35 ans (4). Il se déclare alors « dessinateur, demeurant en la ville d’Elbeuf ». Son épouse, Adélaïde Héloyse Mouchard a 27 ans. Elle est « maîtresse modiste » et demeure chez ses parents, à Saint-Martin-la-Corneille, Jacques Mouchard, « vivant de son revenu » et Marie Adélaïde Bréant, présents et consentants (5).
Un an plus tard Pierre Falcot, domicilié désormais à Saint-Martin-la-Corneille, déclare en mairie la venue au monde d’Émile Désiré, né le 26 novembre 1841 (6). D’autres naissances suivent ; le couple aura au total six enfants (cf. arbre généalogique). Les témoins sont la plupart du temps des tisserands ou commis de fabrique et un « garde particulier » ; aucun fabricant ni personnage notable n’apparait dans les actes concernant le couple.
[pour voir l'arbre généalogique complet, cliquez-ici et faites pivoter l'image (flèche circulaire en haut à droite)]
L’absence de recensements de La Saussaye conservés pour cette époque nous empêche de savoir si le ménage comptait ou non des apparentés ou domestiques logés.
Pierre Falcot mourut le 10 août 1858 « en son domicile » de Saint-Martin-la-Corneille (commune de La Saussaye désormais), sans avoir atteint ses 54 ans. L’acte de décès signale qu’il était conseiller municipal (7). Sa veuve, toujours domiciliée à La Saussaye, décéda quant à elle le 20 janvier 1877, à 63 ans (8).
Les registres de La Saussaye contiennent également des actes relatifs à son frère Jean-Pierre Falcot, tisserand, né à Lyon (Rhône) le 4 octobre 1814 (fils également de Jean Falcot et Éléonore Robert), venu aussi s’installer ici, qui épouse à La Saussaye, le 27 septembre 1841 Pauline Harel. Après avoir été commis de négociant puis tisserand, il décède le 20 octobre 1890 (9) en son domicile de La Saussaye.
Après 1890, les registres de La Saussaye n’évoquent plus la présence d’autres membres de la famille Falcot, dont les descendants vivent désormais à Elbeuf ou Caudebec. Mais, à l’évidence, si la famille a réussi à faire souche, la renommée de Pierre Falcot n’a pas suffi à faire progresser ses membres dans l’échelle sociale : lors de leur mariage, ses enfants sont commis de fabrique et les actes d’état civil montrent qu’ils évoluent durablement dans le même milieu (témoins divers et parents des conjoints sont également des tisserands ou des employés de fabrique). En 1899, Raoul Aimé Maurice Falcot, né le 10 décembre 1876 à Elbeuf y est « employé à la mairie » en 1897 ; il effectue son service militaire de 1897 à 1900 (10). Henri Robert Eugène, né le 23 mars 1878 à Elbeuf, « presseur » à Elbeuf en 1899, est alors dispensé de service militaire car il a déjà un frère au service (11).
Caveau de la famille, sur le flanc est de la collégiale
Saint-Louis de La Saussaye (cl. J. Le Roux)
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Première sépulture :
• Pierre Falcot 1804-1858
• Héloïse Falcot 1813-1877 née Mouchard, épouse de Pierre Falcot
• Émile Falcot 1841-1862, fils
• Paul (Robert) Falcot 1851-1891, fils
• Marthe Falcot 1881-1917, née Grandidier 1ère épouse de Paul Jules Émile Falcot
• Appoline Falcot 1859-1916, née Lodieu, belle-fille, épouse de Paul Robert
• (Paul Jules) Émile Falcot 1879-1961, petit-fils, fils de Paul Robert
Deuxième sépulture :
• Pierre (Louis Jacques) Falcot 1922-1962, arrière-petit-fils, fils de Paul Jules Émile et de Germaine Edeline
• Germaine Edeline, 1895-1972, 2ème épouse de Paul Jules Émile Falcot
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(1) Delcroix (Jean-Claude), « Pierre Morestel, précepteur du duc d’Elbeuf, chanoine et doyen au chapitre collégial de La Saussaye », Bulletin de la Société de l’Histoire d’Elbeuf, n°67, mai 2017, p. 21-34.
(2) Saint-Denis (Henri), Duchemin (Pierre Polovic), Notices historiques et statistiques sur les environs d’Elbeuf, tome II, La Saussaye, Elbeuf, Imprimerie Saint-Denis et Duruflé, 1885, p. 66-67. On notera qu’Henri Saint-Denis n’en parle pas dans son Histoire d’Elbeuf, t. IX et X, 1903.
(3) Plus exactement sur le territoire de Saint-Martin-la-Corneille ; les deux communes fusionnèrent en 1808 au profit de Saint-Martin, mais le chef-lieu redevint La Saussaye en 1846.
(4) Archives départementales de l’Eure, 8 Mi 4072, acte n°35, vue n°463 du microfilm. L’acte confirme sa date de naissance et son ascendance. Son père étant alors fabricant d’étoffe en sa mère « s’occupant de son ménage ». Ils demeurent à « Vénissieux près Lyon » (Isère), ne sont pas présents mais ont fait part de leur consentement écrit par-devant notaire, le 14 septembre 1840.
(5) Les témoins sont Pierre Le Bret, fabricant de drap, 33 ans, et Pierre Tronel, décatisseur de drap, 34 ans, tous deux amis de l’époux et demeurant à Elbeuf, ainsi que Jean-Jacques Goubert, vivant de son revenu, 74 ans et Jacques Espera Mouchard, ouvrier de fabrique de 38 ans, le premier domicilié à Elbeuf, le second à Saint-Martin-la-Corneille, tous les deux cousins de l’épouse.
(6) Archives Départementales de l’Eure, 8 Mi 4072, acte n°33, vue n°485 du microfilm. Les témoins sont un tisserand de 43 ans et un commis de fabrique de 35 ans, tous deux domiciliés à Saint-Martin-la-Corneille, qui signent d’une écriture assurée.
(7) Archives Départementales de l’Eure, 8 Mi 4076, acte n°33, 10 août 1858. Les témoins furent Paul Bavent [il signe Bavant], tisserand âgé de 43 ans et Louis Bulté, menuisier, 52 ans, tous les deux voisins du défunt. L’acte cite ses parents, sans préciser s’ils sont déjà décédés, et n’évoque pas non plus son épouse.
(8) Archives Départementales de l’Eure, 8 Mi 5063, acte n°2, vue n°375 du microfilm.
(9) Archives Départementales de l’Eure, 8 Mi 5063, acte n°33, vue n°630. La déclaration est faite par Alexandre Letailleur, instituteur (53 ans) et Jules Pignot, tisserand (31 ans).
(10) Archives départementales de la Seine-Maritime, registre matricule 1 R 3014.
(11) Archives départementales de la Seine-Maritime, registre matricule 1 R 3053.