Association de sauvegarde du patrimoine saulcéen

A.S.P.S.

Le Corps des Sapeurs-Pompiers (1891-1952)

LE CORPS DES SAPEURS-POMPIERS (1891-1952)
Par Dominique Chollet

Drapeau sapeurs pompiers

     Dans la nuit du 31 mai 1875, les secours ayant été tardivement demandés, les pompiers d’Elbeuf sont arrivés trop tard pour pouvoir éteindre l’incendie qui ravagea la collégiale.

Après quatre ans de reconstruction, comme nous l’avons vu dans l’article d’Etienne Pellerin, la nouvelle église fut bénie par Monseigneur Grollau, évêque d’Evreux, le 31 août 1879.

     Cet évènement qui causa une grande émotion parmi les habitants de notre village, incita le conseil municipal à réfléchir sur la nécessité de créer un corps de pompiers, sentiment renforcé par les rapports du capitaine Léon Quidet, commandant des sapeurs-pompiers d’Elbeuf depuis 1870. En 1891 ce dernier demanda un devis pour l’achat d’une pompe à bras à l’entreprise Thirion, fabricant rue de Vaugirard à Paris (*) et un devis pour l’achat des équipements en uniformes pour les hommes au tailleur G. Catania rue des Charrettes à Rouen (*).

Le 29 novembre 1891, après délibérations, M. Bocquet, maire et son conseil municipal adoptèrent l’achat de la pompe à bras Thirion et l’équipement pour 16 hommes. Le financement fut assuré au moyen d’un emprunt, d’une souscription auprès des particuliers et par une augmentation des contributions. La commune possédait déjà un tambour, un clairon et un bâtiment communal place du Cloître à côté de la mairie pour abriter la pompe mais également le matériel des Charitons.

     Le conseil municipal du 1er février 1892 décida de l’installation d’une subdivision de sapeurs-pompiers à La Saussaye et s’obligea à subvenir pendant cinq ans aux dépenses du service.

Par un arrêté de la Sous-Préfecture du 22 mars 1892 furent nommés un officier, un sous-officier, deux caporaux et un tambour au clairon ainsi que douze sapeurs-pompiers tous volontaires et bénévoles. Sur proposition du Sous-Préfet, M. Emile Champion assura le commandement de la subdivision, furent également nommés Messieurs Louis Vavasseur et Emile Legrand.

Dans un courrier du 3 juin 1892, les conseillers municipaux, Messieurs Arsène Thonnel pour 250 francs et Alfred Lecorneur pour 261 francs complétèrent les sommes manquantes pour couvrir les frais d’achat de la pompe à incendie et l’habillement des pompiers.

La pompe fut livrée en août 1892 au prix de 3 043 francs et les uniformes (vareuses, pantalons, ceintures, casques) pour 1 068 francs. L’inauguration eut lieu le 25 septembre. Le Préfet et M. Léon Quidet faisaient partie du cortège accompagné par la Fanfare des trompettes de l’Alsace-Lorraine d’Elbeuf. Cette manifestation fut suivie d’un banquet et d’un bal.

La délibération du 27 novembre 1892 valida l’affectation des ressources à la création d’une caisse de secours en faveur des sapeurs-pompiers pour venir en aide aux pompiers victimes de leur dévouement. Deux cent vingt francs provenant de l’excédent des sommes provisionnées pour l’achat des matériels constituèrent les premiers fonds de cette caisse.

      Ainsi à la fin de l’année 1892 tout était en ordre de marche pour la subdivision des pompiers de La Saussaye.

Photo sapeurs pompiers

Pompiers en tenue à l'exercice avec une pompe à bras - Collection Etienne Pellerin

     L’entraînement des hommes s’effectuait au sein de la compagnie d’Elbeuf. Pendant de nombreuses années il semble que le service d’incendie fonctionna sans problème car aucun document n’existe dans les archives municipales.

Le corps de pompiers participa à la vie de la commune. Il était à l’honneur lors des cérémonies du 14 juillet et des commémorations de l’armistice du 11 novembre 1918 : notamment la cérémonie du 11 novembre 1936 pour laquelle nous connaissons le déroulement. Le cortège se rassembla à 10 heures place Saint-Martin puis se dirigea vers la place de la Mairie où les nouveaux gradés des sapeurs-pompiers furent accueillis. Cette manifestation fut suivie d’un vin d’honneur.

Les membres du Conseil Supérieur des sapeurs-pompiers étaient élus pour six ans. Le 7 juillet 1932 un document de la Préfecture valida les personnes élues : M. Fossard Jules, lieutenant, M. Goujon Adrien, clairon, M. Gorju Lucien, sapeur cycliste et Messieurs Piedeleu Eugène, Couy Gaston, Voiment Edouard, Tetelin Ernest, Damoy Auguste, sapeurs-pompiers. 

     Les dépenses de fonctionnement du corps de pompiers s’avérèrent conséquentes pour le budget de la commune. Un échange de courrier des 21 et 26 février 1934 entre le maire de La Saussaye et le Préfet montre que les frais d’intervention d’une compagnie de sapeurs-pompiers extérieure à la commune ne sont pas négligeables. Le montant de l’intervention s’élevait à 556 francs et la réponse du Préfet fut sans équivoque : la municipalité n’eut aucun recours et ces frais furent à sa charge (Décret du 13 août 1925). (*)

Le 13 novembre 1937, il est voté des crédits supplémentaires pour l’habillement complet d’un sapeur-pompier pour 683 francs et pour la réparation du matériel d’incendie pour 319 francs.

     Après la démission au début de l’année 1936 du lieutenant Jules Fossard, le conseil municipal reconnut la nécessité de réorganiser la subdivision pour qu’elle puisse fonctionner en cas de sinistre car elle était d’une utilité incontestable. Le sous-lieutenant Fernand Michel le remplaça le 24 juin 1936.

En septembre 1938, le sous-lieutenant Michel quitta La Saussaye pour habiter à Thuit-Signol. Cette situation était une complication en cas de sinistre. M. Baille, conseiller, suggèra que la Commune lui paye un abonnement au téléphone pour qu’il puisse être averti et assurer le commandement de la subdivision. En 1940 le sous-lieutenant Michel accepta le renouvellement de son engagement pour la durée des hostilités.

     Lors du conseil municipal du 11 mai 1940 M. le Maire annonça une prochaine réunion pour réorganiser le corps des sapeurs-pompiers dont certains membres étaient mobilisés. La commune devait se procurer un brancard. M. le Maire essaya auprès de la pharmacie Bousquet ou par l’intermédiaire du Préfet.

En juillet 1940 le maire donna lecture de deux lettres envoyées par les maires du Neubourg et d’Amfreville. Le canton du Neubourg qui devait assurer la défense passive et les secours d’urgence des cantons du Neubourg et d’Amfreville en cas de bombardements ne pouvait plus assurer cette charge en raison du manque de transports. Il appartint donc à chaque commune d’assurer elle-même sa défense passive.

Il fut décidé la création d’un poste de secours avec du personnel qualifié, de renforcer la subdivision de sapeurs-pompiers par des volontaires et de constituer une équipe de déblaiement comprenant une dizaine de jeunes gens.

     Après la guerre, La Saussaye fut rattachée administrativement au service intercommunal de secours contre l’incendie de Bourgtheroulde. Le conseil, fidèle à sa délibération du 7 novembre 1946, demanda son rattachement au service de secours de la ville d’Elbeuf. Il estimait que les pompiers de Bourgtheroulde ne pouvaient être sur les lieux du sinistre rapidement en raison des mauvais chemins de campagne généralement défoncés. Les pompiers d’Elbeuf pouvaient arriver sur les lieux dans les dix minutes. Il y avait donc économie de temps et d’essence. Le conseil vota le crédit demandé à condition que le rattachement à Elbeuf fut effectué. Il espérait que M. le Préfet et les services compétents comprendraient que la sécurité d’une commune passe avant tout et que les décisions administratives n’y feraient pas obstacles.

La demande de rattachement au centre de secours d’Elbeuf fut accordée et le 3 juillet 1948 le maire pouvait lire à ses collègues la lettre officielle. Le recensement des grandes citernes fut effectué et chacune était signalée par un panneau spécial. Le plan de la commune avec l’emplacement des citernes fut fourni aux pompiers elbeuviens. Le maire proposant d’acheter une petite sirène, le conseil décida de surseoir à cet achat onéreux.

     Les dépenses affectées au service incendie étaient toujours importantes pour la commune. Ainsi le 7 juin 1947 M. le Maire informa le conseil de l’arrêté préfectoral qui le mettait en demeure de prévoir au budget une dépense de 2075 francs pour la participation aux frais de l’organisme départemental de secours contre l’incendie. Le conseil s’éleva contre cette décision qui gâchait l’argent des contribuables car l’efficacité du groupement départemental de lutte contre l’incendie s’avérait nulle.

Cette même année le conseil autorisa la réfection du bâtiment de la pompe à incendie détérioré par faits de guerre.

A la demande de M. Dupont de la commission des pompiers le 24 novembre 1948, l’achat de grenades spéciales utilisables pour éteindre les feux de cheminée fut décidé.

La réunion du conseil du 3 juin 1950 vota une subvention de 900 francs pour l’achat de l’ouvrage de Rabany , documentaire sur toutes les questions intéressant le corps de sapeurs-pompiers.

     Le 1er mars 1952 le Préfet proposa au conseil la dissolution du corps des sapeurs-pompiers. Après délibération, vu l’impossibilité de pourvoir au poste d’officier commandant faute de candidat et ce poste étant vacant depuis le 3 mars 1951, le conseil décida la dissolution du corps communal de sapeurs-pompiers.

En décembre le conseil municipal décida de vendre le matériel d’incendie suite à la dissolution du corps de sapeurs-pompiers et au rattachement au centre de secours d’Elbeuf. Messieurs Dupont et Parissot furent chargés de dresser l’inventaire du matériel d’incendie devenu sans emploi.

La vente du matériel d’incendie avec tous les accessoires et outillage eut lieu le dimanche 21 juin 1953 à 14 heures après la publication d’une annonce informant le public de cette vente dans les deux journaux régionaux : le Courrier du Plateau du Neubourg et le Journal d’Elbeuf.

     Bien qu’éphémère, le corps des sapeurs-pompiers de La Saussaye fut au service des saulcéens pendant soixante ans et apporta une certaine autonomie à la commune face aux incendies pendant la première moitié du XXème siècle avant une centralisation départementale des moyens.

(*) Pour voir les documents : cliquez-ici


Bibliographie :

CHALUMEL Michel, Bulletin de la Société de l’Histoire d’Elbeuf n°47.
Archives municipales de La Saussaye, registre des délibérations.