LES SAINTS GUERISSEURS DE L'EGLISE ST MARTIN LA CORNEILLE
Par Dominique Chollet
La Normandie est considérée comme la région la mieux pourvue de France pour le culte des saints guérisseurs. Il y a encore peu de temps cette pratique était bien présente et ce que l’on voit aujourd’hui dans nos églises et nos villages montre que ces croyances ont traversé les siècles et font partie de notre patrimoine.
Dans la 2ème moitié du XIIIe siècle de nombreux recueils racontent la vie des Saints, notamment La Légende dorée de Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes. L’Eglise décide la diffusion de ces ouvrages dans les églises par les prêtres comme moyen d’évangélisation ce qui a joué un grand rôle dans les mentalités populaires.
En effet, les saints accomplissent des miracles et connaissent la condition humaine à travers les martyrs qu’ils ont vécus. Ils ont été reconnus par Dieu et peuvent servir d’intercesseurs entre les hommes et Lui. Au Moyen-Age, le culte des saints et de leurs reliques se développe et avec lui les pèlerinages. Etre au plus près des reliques est pour les fidèles le signe vivant et palpable de la présence de Dieu. Ils viennent chercher Son aide.
Les saints ont la réputation de pouvoir guérir les maladies et plus particulièrement les maladies infantiles. Chaque saint est reconnu pour la guérison d’une maladie en particulier qui souvent est en rapport avec son nom (Saint Clair pour les yeux par exemple) ou avec une particularité physique du saint ou encore d’un épisode de sa vie légendaire.
Leurs statues dans les églises ont fait pendant des siècles l’objet de rites divers. Pour obtenir que le saint soulage, il convient de prier (les neuvaines consistent à prier pendant neuf jours consécutifs) et d’effectuer certaines pratiques en fonction du saint que l’on honore. L’offrande, geste symbolique, est destinée à renforcer la demande mais aussi à remercier par avance. Elles sont soit en nature : fruits, fleurs, linge, soit de modestes pièces de monnaie.
Dans la vallée de l’Oison, les Saints guérisseurs étaient nombreux. Les pèlerinages ont disparu mais les vestiges sont vivaces. Ainsi Saint Amand étaient évoqué pour les enfants et les coliques, Saint Cyr protégeait des maladies du visage et, également il protégeait les récoltes de la grêle. A Saint-Germain-de-Pasquier, au Moyen-Age, il y avait un pèlerinage le 3 juin, fête de Sainte Clotilde. On se rendait à la chapelle de la source Sainte-Clotilde pour la guérison de l’anémie et pour que les enfants retrouvent la force.
La Saussaye n’est pas en reste.
A l’église Saint-Martin-la-Corneille, deux statues montrent encore aujourd’hui la ferveur des habitants par le dépôt de bandelettes qui exprime un vœu ou une gratitude et les ex-voto présents sur les murs.
Saint Martin naquit à Sabaria (Europe centrale) en 316. Son père, ancien légionnaire romain, l’envoya en garnison à Amiens. Un soir d’hiver, alors qu’il rentrait à cheval, il rencontra un pauvre transi de froid et lui offrit la moitié de son manteau. La nuit suivante, il eut une apparition : le pauvre n’était autre que Jésus Christ. Il se fit baptiser en 339, quitta la légion et partit répandre la religion. En 371, il fut élu évêque de Tours. Il mourut le 11 novembre 397.
Saint Martin est prié, selon les lieux, pour la guérison de l’érysipèle (infection aigüe de la peau accompagnée de fièvres qui touche principalement les jambes et le visage), de maladies intestinales, de la maladie de la « patte d’oie » chez le nourrisson (contraction musculaire involontaire, forme d’épilepsie).
Saint Hermès ou Saint Erme ou encore Saint Herme aurait vécu à Rome au IIème siècle de notre ère et était « préfet de la ville ». Converti au christianisme par le pape, il usa de ses pouvoirs pour libérer de très nombreux esclaves à l’occasion des fêtes de Pâques. Il aurait accompli des miracles dont une résurrection d’enfant. Persécuté, il subit le martyre en 132.
C’est vraisemblablement en raison de la légende de la résurrection d’un nourrisson qu’il est invoqué pour les maladies infantiles. Il est appelé au secours des enfants rachitiques ou souffrant d’athrepsie (difficulté à assimiler les aliments chez le bébé).
L’invocation de Saint Martin et de Saint Hermès en un même lieu est une demande pour la guérison du carreau : maladie abdominale infantile qui se manifeste par un ventre dur et gros, probablement une infection des ganglions mésentétiques (repli qui unit l’intestin grêle et l’abdomen).
En parcourant la Normandie, nous pouvons trouver de nombreux sites très divers dédiés aux saints guérisseurs : une fontaine, une source, une chapelle, parfois une abbatiale. Notre région est riche de ce patrimoine, à la fois, religieux, culturel et naturel qui nous invite à la promenade et à la découverte de nos traditions.