Association de sauvegarde du patrimoine saulcéen

A.S.P.S.

André Maurois (2/6) : l'industriel

ANDRE MAUROIS (1885-1967) : L'INDUSTRIEL
Par Dominique Chollet
 
Expo image arbre genealogique
Généalogie simplifiée d'André Maurois
 
Ernest, le père d’Emile est né en 1852 en Alsace à Ringendorf où était installée la famille Herzog. Vers 1860, Salomon, le grand-père, part rejoindre avec sa famille ses cousins Fraenckel à Bischwiller où l’industrie textile est florissante. Ceux-ci possédaient dès 1855 deux ateliers de draperie de laine connus par la suite sous la dénomination Fraenckel-Blin et Fraenckel-Hirsch.
 
A 16 ans Ernest entre dans la fabrique de draps de ses oncles et devient leur associé. Les affaires de la manufacture étaient prospères quand éclate la guerre de 1870. Suite à l’annexion de l’Alsace par l’Empire allemand, ces maîtres drapiers de longue date souhaitant rester français, Henri Fraenckel prospecte dès le printemps 1871 pour trouver un endroit où ils pourraient s’établir.
 
Elbeuf est retenue car c’est une cité drapière reconnue pour son passé industriel textile (une manufacture royale est créée en 1667 avec l’accord de Colbert) et la qualité de ses fabrications. Il trouve un établissement à louer et les familles Fraenckel et Herzog transfèrent leur usine de fabrication de drap de laine avec leurs 400 ouvriers de Bischwiller à Elbeuf.
 
En 1880 ils font construire une nouvelle usine. Les bâtiments existent encore aujourd’hui au 25, rue Camille Randoing (pour plus d'informations sur l'usine Fraenckel - Herzog : cliquez ici).
 
C’est donc en 1904 que Emile Herzog rejoint l’entreprise familiale de son père et de ses oncles. Il va recevoir une solide formation de fabricant-drapier. Il y apprend à connaître la laine avec les plus expérimentés des ouvriers puis toutes les étapes de la fabrication du drap en passant par tous les ateliers : triage, foulon, filature, tissage, apprêts et également les questions commerciales. Cela l’amène à se déplacer à Paris et en Angleterre dont il apprend la langue.
 
Mais la grande spécialité de la maison qui était le drap noir ne fait plus recette et des difficultés financières apparaissent. Emile Herzog propose alors de fabriquer des tissus « fantaisie », colorés avec des dessins qui étaient à la mode à l’époque. Le succès fut considérable et l’apprenti Herzog devient « Monsieur Emile » et occupe une place importante dans la hiérarchie.
 
Expo photo Andre Maurois industriel
André Maurois dans la fabrique familiale (1924) – cliché Studio Edeline 
 
Il est confronté aux crises sociales à l’intérieur des usines. Son travail le met en contact avec les réalités ouvrières et ses expériences lui inspireront ses romans Bernard Quesnay (1926) et Le Cercle de famille (1932) qui se déroulent à Pont-de-l’Eure, c’est-à-dire Elbeuf. Il y restitue la vie et la sociabilité de la ville d’Elbeuf.
 
Il s’intéresse à la vie de la cité industrielle et assiste aux conseils municipaux. Il retrouve alors son professeur de mathématiques, Charles Mouchel, maire d’Elbeuf avec qui il aime discuter de questions sociales.
 
Chaque dimanche il se rend à Paris pour effectuer sa tournée de vente du lundi. Il découvre les concerts et son cercle d’amis s’agrandit.
 
En 1909, il rencontre Janine-Marie Wanda de Szymkiewicz lors d’un passage à Genève. Agée de dix-sept ans, elle est la fille d’un comte polonais décédé, il en tombe immédiatement amoureux.
 
Il l’épouse en 1912 et ils s’installent à Caudebec-lès-Elbeuf au 85, rue Félix Faure. Mais Janine s’ennuie à Elbeuf car elle ne partage pas l’austérité familiale et l’absence de son mari qui passe de longues journées à l’usine lui pèse. Ils achètent un appartement à Paris, rue Ampère et partagent la semaine entre ces deux résidences.
 
Expo photo Andre Janine Maurois
André et Janine Maurois
 
En mai 1914 naît une fille, Michelle. Mais début août 1914, c’est la mobilisation générale et Emile part avec ses cousins, jeunes patrons de l’usine. Pendant la guerre il devient officier de liaison auprès de l’armée britannique en Normandie puis dans les Flandres car il parle anglais. De cette expérience il écrit deux romans : Les Silences du colonel Bramble qui paraît en 1918 sous le pseudonyme d’André Maurois et Les Discours du docteur O’Grady en 1922.
 
Démobilisé au début de l’année 1919, après avoir réchappé de la grippe espagnole, il revient à l’usine d’Elbeuf mais sans ardeur ni confiance. Deux de ses cousins sont morts à la guerre, Pierre Herzog et André Fraenckel. André Maurois écrit : « La guerre m’avait montré que les empires peuvent, sous la pression de la violence, s’écrouler en quelques jours… ».
 
De retour à la vie civile, il délaisse l’entreprise familiale pour donner libre cours à sa passion d’écrivain.
 
Pendant ces années de guerre, la santé de sa femme s’est dégradée, elle est atteinte de tuberculose. Emile décide d’acheter une propriété à la campagne pour qu’elle profite du bon air. Il s’installe donc à La Saussaye au Manoir Saint-Nicolas. Deux enfants naissent les années suivantes, Gérald en 1920 et Olivier en 1921. Mais Janine décède en février 1924 et est enterrée dans le cimetière de la Collégiale à La Saussaye où l’on peut encore voir sa tombe de nos jours.
 
Après le décès de sa femme, Emile s’éloigne définitivement de sa ville natale et de l’entreprise familiale pour se consacrer à ce qu’il aime le plus : l’écriture.