ANDRE MAUROIS (1885-1967) : L'ACADEMICIEN
Par Dominique Chollet
Au printemps 1922, André Maurois est invité par Paul Desjardins, professeur de littérature à l’Ecole Normale de Sèvres et critique littéraire, à participer au cours de l’été à une « Décade » à l’abbaye de Pontigny dont il est le propriétaire. Il y organisait chaque année les célèbres Décades de Pontigny, rencontres d’écrivains, de philosophes et d’intellectuels français et européens, auxquelles participèrent, entre 1910 et 1939, des intellectuels comme André Gide, Roger Martin du Gard, Jacques Rivière, Charles Du Bos ou encore Jean Tardieu parmi de nombreux autres écrivains. Dans ses Mémoires, André Maurois indique : « Le séjour à Pontigny, répété ensuite chaque année, et les amitiés que j’y formais exercèrent sur moi une influence profonde ».
André Maurois est connu à cette époque, aussi bien en France que dans les pays anglo-saxons, pour avoir écrit Les Silences du colonel Bramble paru en 1918 aux éditions Bernard Grasset et Les Discours du docteur O’Grady paru en 1921. Interprète et officier de liaison auprès de l’Armée britannique en France pendant la Première Guerre mondiale, il s’inspire de ses rencontres avec les officiers qui deviennent les personnages de ces deux romans humoristiques.
L’élection à l’Académie française
A l’automne 1924, il est invité par Bernard Grasset chez Simone de Caillavet, qui deviendra, en 1926, sa seconde épouse. A cette occasion, il rencontre le maréchal Pétain qui veut lui parler de son dernier livre Dialogue sur le commandement.
Après une première présentation en juillet 1936 à l’Académie, la candidature de Joseph de Pesquidoux est retenue avec seize voix contre dix pour André Maurois. En 1938, André Maurois qui est administrateur de l’Office Français de Renseignements aux Etats-Unis rencontre régulièrement le maréchal Pétain qui en est le président. Dans ses Mémoires André Maurois relate cette conversation : « Un soir, en sortant du conseil, il me dit : Et pourquoi ne vous présenteriez-vous pas au fauteuil Doumic ? ». (René Doumic, mort le 2 décembre 1937, était un homme de lettres, journaliste et critique littéraire français, secrétaire perpétuel de l'Académie française). Le maréchal, parmi d’autres, soutient sa candidature. André Maurois est élu le 23 juin 1938 au fauteuil 26 qu’occupait René Doumic par dix-neuf voix contre treize pour René Pinon.
Le 22 juin 1939 a lieu la cérémonie de réception d’André Maurois à l’Académie française. Voici ce qu’il en dit : « Une réception à l’Académie est une des belles cérémonies françaises. Tout concourt à sa grandeur : l’ancienneté de l’édifice, l’étrangeté de sa forme, l’exiguïté de la salle, la qualité du public, l’appareil militaire, le vocabulaire traditionnel et parfois la qualité de l’éloquence ». Il restera titulaire du fauteuil 26 jusqu’à sa mort en 1967. Elu, par la suite, Chancelier de l’Académie française, il s’implique de plus en plus et devient l’un des grands électeurs à l’influence importante.
André Maurois et sa fille Michelle avec l’épée
Un écrivain honoré puis oublié
Pendant la Seconde Guerre mondiale il s’exile aux Etats-Unis. Il y est conférencier et professeur de littérature. Il prépare son Histoire des Etats-Unis et il cherche à convaincre l’opinion publique que l’entrée en guerre de l’Amérique serait la clé de la victoire.
Quand il rentre en France en 1946, dans sa maison de Neuilly-sur-Seine, ses livres ont disparu. Il écrit ces mots : « Ne trouvant pas l’homme, la Gestapo a pris la bibliothèque ».
Il reprend son travail d’écrivain et ses œuvres continuent de s’accumuler : romans, essais, très nombreux articles dans des revues et, également des biographies : Marcel Proust, George Sand, Victor Hugo, Honoré de Balzac, Alexander Fleming, Madame de La Fayette, genre littéraire dans lequel il excelle. Il poursuit ses conférences en Europe et en Amérique du Sud.
Il jouit alors d’une grande notoriété et il est souvent l’invité d’honneur des grands évènements culturels, présidant notamment le Festival de Cannes en 1951. De 1955 à 1967, il préside l’Association France Etats-Unis et l’association France-Palestine devenue France-Israël.
Festival de Cannes, de gauche à droite : Jules Romains, André Maurois (président du jury),
Jean Cocteau (président d’honneur), Maurice Genevoix et Marcel Pagnol.
André Maurois, amoureux de la langue française et auteur prolifique, est tombé dans l’oubli. Son œuvre est considérée comme démodée. Son appartenance à une classe sociale patronale et conservatrice ainsi qu’à un milieu moral et familial rigoureux se ressent dans ses écrits. Sa formation classique et son style ne correspondent plus à la littérature que l’on apprécie de nos jours.
Cependant ses différents livres racontent une époque. Ainsi Bernard Quesnay et Le Cercle de famille nous transportent dans les rues d’Elbeuf dans la première moitié du XXe siècle. Il y décrit la bourgeoisie drapière, ses habitudes et son état d’esprit. Climats est reconnu pour l’analyse qu’il réalise sur la psychologie amoureuse et ses biographies sont des études poussées sur des personnes célèbres qui ont marqué leur époque : écrivains, hommes de sciences ou politiques.
L’hommage qui lui a été rendu lors de ses obsèques en 1967, montre qu’André Maurois était reconnu pour son talent d’écrivain et son attachement à la langue française mais aussi pour ses qualités humaines de courtoisie, d’intégrité. L’académicien Etienne Wolff écrit à son sujet en 1985 : « Il jouissait à l’Académie française d’une sympathie, d’un respect, d’une admiration unanimes ».
Funérailles devant l’Institut de France
Pour toutes ces raisons l’œuvre d’André Maurois mérite sûrement d’être redécouverte.