Association de sauvegarde du patrimoine saulcéen

A.S.P.S.

Le monument aux morts (4/4) - Liste des morts

LE MONUMENT AUX MORTS DE LA SAUSSAYE (4 sur 4)
par Ludovic Fécamp
 
Le texte ci-après est extrait d’un article paru en mai 2016 dans le bulletin de la Société d’Histoire d’Elbeuf avec l’aimable autorisation de son auteur et d’Alain Becchia Président de cette société (pour voir plus d’infos sur la société cliquez-ici).
 
Monument plaque     Collegiale plaque
Les listes différentes du monument et de la collégiale
 
Des listes quelque peu divergentes 
 
A la fin de la guerre déjà, le travail de recension des soldats morts pour la France ne fut pas sans poser de problème. La mairie de La Saussaye ajouta ainsi des noms au tableau envoyé par l’Union des Grandes Associations Françaises. En 1921, c’est une liste de 18 noms qui fut d’abord établie par les autorités communales. Il s’agissait, normalement, non pas forcément de tous ceux nés à La Saussaye, mais de tous ceux qui y avaient été inscrits récemment dans les registres de recensements (17) ou les listes électorales. Le monument aux morts de La Saussaye, tel qu’il existe encore aujourd’hui, est toujours orné des deux douilles d’obus. 
 
Mais la plaque de marbre actuelle, sur laquelle figure les victimes militaires selon un ordre à peu près chronologique, date de 1993 (18). On y a rajouté le nom d’un soldat mort durant la seconde guerre mondiale. Mais surtout il y a été adjoint, dès 1986, le nom de Maurice Lamarre [La Marre], à la demande d’un membre de sa famille (19), que l’on peut lire au bas de la liste, en rupture de l’ordre chronologique. En revanche les noms de Jules Micaux (20) et d’Eugène Vavasseur (21), inscrits dans la liste de 1921 dressée par la municipalité, n’y figurent pas, le premier ayant apparemment sa résidence à Rouen et le second à Elbeuf. Le monument ne comporte donc que 17 noms de la Grande Guerre.
 
Autre divergence, à quelques mètres de là, il existe aussi une grande plaque apposée à l’intérieur de la collégiale Saint-Louis de La Saussaye, sur un mur de la nef, portant explicitement en titre : « Aux enfants de la paroisse morts pour la France ». Les noms y sont énumérés année par année et par ordre alphabétique à l’intérieur de chaque année ; or, on en compte vingt-et-un… Maurice La Marre (22) y figure dans l’année 1914, mais on constate plusieurs différences. Jules Micaux y est inscrit en 1915, mais pas Eugène Vavasseur ; en revanche on mentionne pour cette année-là les décès de C. Salle et H. Sauvey (23). Les années 1916 et 1917 sont identiques ; enfin 1918 comporte un nom supplémentaire : L. Gouel (24). La plaque commémorative de la paroisse englobe donc visiblement d’anciens paroissiens (ou enfants de paroissiens) qui avaient certainement vécu dans le village, mais n’y avaient plus leur résidence administrative officielle.
 
 
Liste des soldats tués pendant la Première Guerre Mondiale figurant sur le monument de La Saussaye (25).
 
1914 :
 
- GOUJON André Alfred (28 ans, marié, épicier selon le recensement de 1911), soldat de 2ème classe du 228ème régiment d’infanterie, « tué à l’ennemi » à Guise (Aisne) dans les combats du 28 au 30 août 1914 ; né à La Saussaye, le 3 juillet 1886 ; décès officialisé par le tribunal de Louviers le 28 février 1918, transcrit dans les registres de La Saussaye le 8 mars suivant.
 
- LA MARRE Maurice Alfred, capitaine au 21ème régiment d’infanterie, mort [« disparu »] le 4 octobre 1914 à Puisieux (Pas-de-Calais). Il était né le 8 février 1870 à Rouen ; marié et artiste peintre d’après le recensement de 1911. Son décès fut officialisé par jugement du tribunal de la Seine le 16 avril 1920 et transcrit le 29 mai suivant dans les registres d’état civil de la mairie du VIe arrondissement de Paris, où il avait donc sans doute sa résidence ; en théorie, il ne devrait donc pas figurer sur le monument de La Saussaye.
 
- MICAUX Marcel (22 ans, célibataire, manœuvre maçon selon le recensement de 1911), 2ème classe au 1er régiment de marche des Zouaves, décédé des suites de ses blessures le 13 novembre 1914, à Furnes (Belgique), dans un hôpital temporaire. Il était né le 12 janvier 1892 à La Saussaye ; l’acte de décès y a été transcrit le 1er juin 1915.
 
1915 :
 
- MÉTAIRIE Henri (31 ans, marié, patron laitier selon le recensement de 1911), soldat au 17ème régiment d’infanterie territoriale, tué le 19 avril 1915 à Beaumont-Hamel (Somme).  Il était né le 31 janvier 1884 à La Saussaye ; son décès y fut transcrit le 12 juillet 1915.
 
- PIGNOT Jules Georges Joseph (29 ans, célibataire, commis épicier travaillant à Elbeuf selon le recensement de 1911), soldat au 329ème régiment d’infanterie, tué le 3 juin 1915 à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais). Il était né le 24 mars 1895 à La Saussaye, où son décès fut transcrit le 9 octobre suivant.
 
- PRIEUR Charles Eugène (28 ans), soldat au 24ème régiment d’infanterie, « disparu » et présumé tué au bois de La Folie, le 25 septembre 1915 (Pas-de-Calais). Il était né le 18 avril 1887 à Clères (Seine-Inférieure). Son décès fut officialisé par jugement rendu le 21 janvier 1921 au tribunal de Louviers et l’acte transcrit à La Saussaye le 28 janvier.
 
- AUVRAY Maurice Alexandre Alphonse (21 ans), employé de commerce à Caudebec-lès-Elbeuf selon le recensement de 1911, soldat de 2ème classe au 128ème régiment d’infanterie, tué le 6 octobre 1915 à Tahure (Marne), village situé près de Mesnil-lès-Hurlus, entièrement effacé de la carte durant les combats et rattaché par la suite à la commune de Sommepy. Maurice Auvray était né le 3 février 1894 à La Saussaye ; le décès y fut transcrit le 28 décembre 1915.
 
- BERMENT Paul Emile Victor Louis (20 ans, sans profession selon le recensement de 1911), caporal au 293ème régiment d’infanterie, tué le 9 novembre 1915 au Mesnil-lès-Hurlus (Marne). Il était né le 21 avril 1895 à La Saussaye, où son décès fut transcrit le 12 avril 1916.
 
1916 :
 
- MARI Louis Alexandre (26 ans), soldat de 1ère classe au 5ème régiment d’infanterie. Décédé le 30 mai 1916 des suites de blessures de guerre à Dugny (Meuse), à l’ambulance n°13. Il était né le 4 septembre 1889 à La Saussaye, où son décès fut transcrit le 17 octobre 1916.
 
- KRÆMINGER Charles Eugène (28 ans), soldat de 2ème classe au 102ème régiment d’infanterie, décédé des suites de ses blessures le 20 septembre 1916 à Fleury, près de l’ouvrage de Chiaumont (Meuse). Il était né le 9 mai 1887 à Elbeuf ; son décès fut transcrit dans les registres de La Saussaye le 25 mai 1917.
 
- JAMET Alexandre Julien ou Julien Alexandre (36 ans) , soldat de 2ème classe au 21ème régiment d’infanterie territoriale, décédé le 11 novembre 1916 des suites de ses blessures de guerre à Fontaine-Bonton (Meuse) d’après le document communal, à l’ambulance 12/20 aux Souhesmes (Meuse) selon la fiche du Ministère. Il était né le 7 décembre 1879 à Bosc-Bénard Commin (Eure). Acte transcrit à La Saussaye le 12 janvier 1917.
 
- GUERRIER Charles Juste Joseph (25 ans), soldat de 2ème classe au 39ème régiment d’infanterie, tué le 13 juin 1916 à Verdun (Meuse). Il était né le 20 juillet 1890 à Infreville, commune de Bourgtheroulde (Eure). Son décès fut officialisé par le tribunal de Louviers le 25 juillet 1918 et transcrit dans les registres de La Saussaye le 30 juillet suivant.
 
1917 :
 
- ALÉPÉE Albert Désiré (33 ans, marié, tisserand selon le recensement de 1911), tambour au 233ème régiment d’infanterie, mort des suites de ses blessures de guerre, le 19 avril 1917, à l’ambulance 9/3 et inhumé à Beaurieux (Aisne). Il était né le 30 octobre 1883 à Sainte-Opportune-du-Bosc (Eure) ; son décès fut transcrit à La Saussaye le 4 janvier 1918.
 
1918 :
 
- FOUCHER Louis Alexandre (32 ans), soldat au 175ème régiment d’infanterie, décédé le 8 juillet 1918 à l’ambulance alpine n°8 à Lubogua (Serbie) par suite de maladie contractée en service. Il était né le 17 mai 1886 à Caudebec-lès-Elbeuf (Seine-Inférieure) ; son décès fut transcrit à La Saussaye le 25 octobre 1918.
 
- HUGUES Maurice Alexandre (20 ans), 2ème canonnier conducteur au 311ème régiment d’artillerie lourde, tué le 2 août 1918, « à la cote de Froideterre, près de Fleury », devant Douaumont sous Verdun (Meuse). Il était né le 8 octobre 1897 à Daubeuf près de Vatteville (Eure) ; son décès fut transcrit à La Saussaye le 18 octobre 1918.
 
- POTEL Armand Ernest (34 ans), soldat au 145ème régiment d’artillerie lourde, décédé le 5 septembre 1918 des suites de ses blessures de guerre à l’hôpital temporaire de Florina (Grèce). Il était né le 6 octobre 1893 à Elbeuf ; son décès fut transcrit le 9 juillet 1919 à La Saussaye.
 
- MAIMBOURG Raoul Socrate (31 ans), soldat de 2ème classe au 243ème régiment d’artillerie, décédé à Metz (Moselle) le 12 décembre 1918 par suite de maladie contractée en service. Il était né le 16 novembre 1887 à Saint-Pierre-de-Franqueville (Seine-Inférieure) ; son décès fut transcrit à La Saussaye le 10 mai 1920.
 
Comme on peut le constater à la lecture de cette liste, il s’agit quasiment tous d’hommes du rang, un seul parmi eux était officier. Les âges sont très variables, de 20 à 44 ans. Pour les conscrits du village, c’est l’année 1915 qui fut la plus meurtrière. On remarquera aussi des similitudes (deux morts au bois de la Folie le même jour, deux autres à Mesnil-lès-Hurlus, deux soldats portant le même patronyme) qui s’expliquent par le fait que les Normands se retrouvaient dans les mêmes unités combattantes. Logiquement, la Meuse (Verdun et sa région), la Marne, mais aussi le Pas-de-Calais ou l’Aisne, départements théâtres de longs et violents combats, sont cités à plusieurs reprises. Un militaire est également mort en Belgique, au début de la guerre, tandis que deux autres, décédés durant l’année 1918 en Serbie et en Grèce, ont visiblement fait partie du corps expéditionnaire envoyé en soutien de la Grèce, de la Serbie et du Monténégro (pays alliés de la France), face à l’Autriche-Hongrie, à la Bulgarie et à la Turquie (alliés de l’Allemagne). Enfin, on observera que le dernier est mort en service, mais après l’armistice.
 
L’histoire de cet humble monument aux morts permet donc de restituer, à travers ces quelques destins brisés, tout un résumé de la Grande Guerre.
 
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(17) Le recensement de 1911 (le dernier effectué avant la guerre) enregistre 475 habitants à La Saussaye (dont 462 présents). Tous les soldats tués n’y figurent pas, ce qui laisse supposer qu’ils se seraient installés dans la commune entre 1911 et la date de leur  incorporation. La liste nominative de 1911 est consultable en ligne sur le site des Archives départementales de l’Eure.
(18) 10 mai 1993 : une entreprise de marbrerie locale envoie sa facture à la mairie de La Saussaye. Une nouvelle plaque gravée pour le monument aux morts, où figurent toutes les personnes mortes pour la patrie (années 1914-1918 et 1939-1945), avait été commandée pour être posée avant la cérémonie du 8 mai. Le travail étant réalisé, il reste à régler le montant dû soit 6 580,96 francs (Archives communales, 3W22).
(19) Lettre du maire à Mme Lamarre, en date du 27 août 1986, l’informant qu’une entreprise de marbrerie a été contactée pour graver son nom sur le monument aux morts (Archives communales, 3W22). Plusieurs dizaines de Lamarre sont mentionnés sur le site internet du Ministère de la Défense « Mémoire des hommes », recensant tous les « Morts pour la France de la Première guerre mondiale », mais un seul porte le prénom de Maurice, sans que l’on trouve de lien avec La Saussaye sur sa fiche matricule. En revanche il y a bien un Maurice La Marre dans le fichier du Ministère et cette orthographe est conforme à celle de la plaque apposée dans l’église.
(20) MICAUX Jules Louis (33 ans), caporal au 119e régiment d’infanterie, « tué entre le 25 septembre et le 4 novembre » 1915 au bois de La Folie à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), selon la fiche du ministère. Son décès fut officialisé par jugement rendu au tribunal de Rouen le 7 janvier 1920 et ce jugement transcrit à Rouen le 22 janvier 1920. Il était né à La Saussaye le 17 décembre 1881. Mais la transcription de son décès dans le registre d’état civil de Rouen indique qu’il y avait sans doute sa résidence, ce qui expliquerait son absence du monument officiel de La Saussaye ; en revanche sa famille a pu intervenir pour qu’il figure sur la plaque paroissiale, s’il a vécu longtemps dans le village, aux côtés de son frère (ou cousin ?) Marcel Micaux.
(21) VAVASSEUR Eugène Alexandre (21 ans), soldat de 2ème classe au 51?ème régiment d’infanterie, tué le 22 février 1915 à Mesnil-lès-Hurlus, village rattaché par la suite à la commune de Minaucourt (Marne) ; il était né le 22 juillet 1893 à Elbeuf. L’acte a été transcrit à Elbeuf le 9 juin 1915. Il ne résidait donc plus à La Saussaye. Son nom figure sur le monument d’Elbeuf  (Cf. la « Liste des tués des dix communes du canton », Bulletin de la Société de l’Histoire d’Elbeuf, n°30, novembre 1998, p. 75-82). ; il est donc normal qu’il ne soit pas inscrit sur celui de La Saussaye.
(22) Le patronyme est bien écrit ici en deux parties, de même que sur la fiche matricule du Ministère de la Défense.
(23) Charles Léopold Louis SALLÉ (37 ans), soldat de 2ème classe au 22ème régiment d’infanterie territoriale, fut tué le 30 octobre 1915 aux Hurlus (Marne). Il était né le 7 octobre 1878 à Caudebec-lès-Elbeuf (Seine-Inférieure) mais son décès fut transcrit dans les registre de Thuit-Simer (Eure), le 28 janvier 1916, certainement parce qu’il y avait sa résidence. Pareillement Henri Auguste Bernard SAUVEY (34 ans), soldat de 2ème classe au 24ème régiment d’infanterie, tué le 25 septembre 1915 au Bois de La Folie, commune de Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), était né le 8 octobre 1880à La Saussaye, mais le jugement du tribunal d’Evreux, en date du 6 mars 1918, officialisant son décès fut transcrit à Vernon le 25 mars 1918.
(24) Louis Charles GOUEL (37 ans), soldat au 293ème régiment d’infanterie, mourut en captivité à Liège (Belgique) de « grippe et  pneumonie », le 14 décembre 1918. Il était né à Caudebec-lès-Elbeuf le 24 septembre 1881 et la transcription de son décès eut lieu le 12 août 1919 dans les registres de cette commune, où il devait donc avoir sa résidence. Il figure d’ailleurs sur le monument de Caudebec (Cf. la « Liste des tués des dix communes du canton », Bulletin de la Société de l’Histoire d’Elbeuf, n°30, novembre 1998, p. 75-82).
(25) Archives communales le dossier 4 H 7 : Morts pour la France, avis de décès, certificats ; registres d’état civil ; renseignements complétés à partir des fiches individuelles mises en ligne sur le site internet du Ministère de la Défense.