LE CLOITRE AU MOYEN-AGE
Par Dominique Chollet
La place du Cloître est au cœur de l’histoire de notre village. Grâce au dessin réalisé par Pierre Chalot basé sur la reconstitution historique effectuée par Etienne Pellerin, nous pouvons facilement imaginer le cloître de La Saussaye tel qu’il était au Moyen-Age.
Espace ceint d’un mur édifié pour se protéger du brigandage, l’accès à la place par la porte d’en bas qui n’existe plus, permet de rejoindre la Collégiale entourée de son cimetière. Située sur la gauche, l’allée de tilleuls est impressionnante et nous invite au recueillement tout en se dirigeant vers le porche de l’église. La religion chrétienne accorde au tilleul, arbre protecteur, un caractère sacré ; il protège du mauvais œil. Il symbolise l’amitié, la fidélité et la fête c’est pourquoi on le trouve aux abords des édifices religieux et des places de village.
C’est à partir de 1307, que Guillaume d’Harcourt et son épouse Blanche d’Avaugour commencèrent la construction d’une église à l’emplacement d’une ancienne chapelle seigneuriale. La fondation de la collégiale eut lieu en 1311 sous l’invocation de la Trinité, de la Vierge Marie et du roi Saint Louis et fut approuvée par l’évêque d’Evreux en 1312.
Un acte de fondation rédigé par Guillaume d’Harcourt en février 1317 confirme l’installation d’un collège de 13 chanoines. Il fixe le montant des rentes et l’attribution des terres qui leur permettront de subvenir à leurs besoins et de pourvoir à l’entretien de la collégiale. En contrepartie ceux-ci ont la charge de prier pour le salut de l’âme de leurs bienfaiteurs.
L’acte précise l’organisation de la communauté et les fonctions les plus importantes que doivent effectuer les chanoines selon la règle de Saint Augustin. Ils ont la mission d’assurer collectivement le chant de l’office divin aux heures canoniales. Ce sont huit offices chantés consacrés à la prière en plus de la messe quotidienne qui sont répartis sur huit heures : les Matines, les Laudes, le Prime, la Tierce, la Sexte, la None, les Vêpres et les Complies. Ce découpage rythme la vie des villages au Moyen-Age au gré des cloches qui sonnent les différentes heures canoniales.
Au sein de la communauté de chanoines, certains occupent des fonctions importantes. En premier lieu, le Doyen, élu par les chanoines, il assure la haute direction morale et administrative du Chapitre et préside les assemblées capitulaires. Guillaume d’Harcourt choisit le curé de la paroisse de Saint-Martin-la Corneille comme doyen au moment de la fondation de la collégiale. Il existe deux autres charges importantes : la grande Chantrerie et la Cousterie. Le Chantre est responsable de la liturgie et maître de chœur. Il a également la garde du Trésor et l’approvisionnement des luminaires. Quant au Cousteur, il a la charge des ornements, l’ouverture et la fermeture des portes et il doit sonner les cloches.
D’autres fonctions sont attribuées à tour de rôle pour un laps de temps plus ou moins long. Le Piqueur est chargé de pointer sur une feuille les membres du Chapitre absents ou en retard aux offices. Une amende est alors due. Le Semainier a la charge pendant une semaine de surveiller tout le cloître en général et, en particulier, que les offices commencent à l’heure prescrite. Le chanoine secrétaire a la mission de tenir les registres de délibérations du Chapitre.
Contrairement aux moines qui vivent en clôture stricte dans un monastère, les chanoines habitent chacun dans une maison individuelle répartie autour de la place. Bâties sur le même modèle, elles comportent deux niveaux et sont couvertes en tuiles. A l’intérieur, un couloir central distribue à droite une cuisine, à gauche une salle ; au premier étage se trouvent deux chambres et un petit cabinet. Les maisons se situent entre cour et jardin et les portes principales donnent sur la grande cour du Cloître. Les chanoines ont à leur service un valet ou une servante âgée.
Pour assurer leur besoin en eau, dès la construction de la collégiale, un puits est creusé au milieu de la place. Au Moyen-Age il était couvert d’une toiture. Ce sont les bordiers, paysans sans revenu, qui sont de corvée pour puiser l’eau pour les chanoines (voir à ce sujet un article paru précédemment sur notre site, cliquez-ici).
Ainsi tout au long du jour, l’allée-venue des chanoines qui se rendaient aux offices et les valets et bordiers qui vaquaient à leurs occupations, donnaient vie à cet espace religieux.
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Source : La Saussaye et sa Collégiale par L. Delamare (1879)